Être pierre
Musée Zadkine, Paris, 29 December 2017 – 11 February 2018
Gilles Aillaud | Dove Allouche | Giovanni Anselmo | Jean Arp | Barbus Müller | Katinka Bock | Constantin Brancusi | Brassaï | Marc Couturier | Claude Cahun | Anne Deguelle | Eugène Dodeigne | Jimmie Durham | Paul- Armand Gette | Ilana Halperin | Hans Hartung | Henri Gaudier-Brzeska | Nicholas Mangan | Otobong Nkanga | Katie Paterson | Giuseppe Penone | Pablo Picasso | Pratchaya Phinthong | Marko Pogacnik | Evariste Richer | Auguste Rodin | Jean-Michel Sanejouand | Oscar Santillan | Fabien Giraud et Raphaël Siboni | Robert Smithson | Akio Suzuki | Ossip Zadkine
S’appuyant sur l’œuvre sculptée en pierre d’Ossip Zadkine (1890-1967), l’exposition propose une réflexion sur ce matériau de tout temps privilégié des artistes. Réunissant des œuvres de plusieurs générations d’artistes et tous médiums confondus – sculpture, dessin, photographie, vidéo ou film -, elle est pensée comme un récit, qui ne prétend pas à l’exhaustivité mais favorise le dialogue entre archéologie, arts premiers, art moderne et pratiques contemporaines. Dans le contexte écologique actuel, l’attrait des artistes pour la pierre s’est en effet accru ces dernières années, invitant à s’inscrire dans un temps et une dimension géologiques. Cette perspective ouvre des voies nouvelles, tant l’échelle des cycles sédimentaires, les mouvements tectoniques et les temporalités vertigineuses questionnent la place de l’homme dans son environnement. A l’occasion du cinquantenaire de la mort de Zadkine, le musée souhaite rendre hommage au sculpteur russe, renouveler le regard porté sur son œuvre, et apporter un éclairage inédit sur la part dynamique du minéral. Le second volet Métamorphismes et métamorphoses s’attache aux processus perpétuels de transfor- mation du minéral à l’échelle géologique, aux passages entre les règnes, aux propriétés intrinsèques de la matière et à ses temporalités qui inspirent aux artistes comme Giovanni Anselmo, avec Trecento milioni di anni (1969), Katie Paterson et Fossil Necklace (2013), ou le duo Fabien Giraud & Raphaël Siboni avec La Mesure minérale (2012), des problématiques et procédés plastiques inédits.
Le parcours se poursuit par l’interprétation des formes naturelles de la pierre qui évoquent des sil- houettes anthropomorphiques, animales ou des lignes paysagères et sont sources de création artis- tique – Hans Hartung, Tête d’homme à quatre trous, 1954. Enfin, l’atelier dévoile la dernière section centrée sur l’Intimité minérale qui montre la relation intime et sensible de l’humain à cette matière primordiale (La vulve, onyx (Brésil), collection Roger Caillois). C’est le corps, à travers une série de gestes élémentaires – et sans contrainte – par le toucher, la collecte et l’appropriation par détournement et glissement, qui devient l’enjeu de l’expérience perceptive. Ce sont des œuvres de Rodin (Jeux de nymphes, vers 1900-10), de Picasso ou de Brassaï avec ses sil- houettes de femme et d’oiseau en galet des années soixante que découvre alors le visiteur. En marge d’un répertoire attestant de relations apaisées, quelques œuvres incarnent une menace, celle de l’homme pour son milieu naturel (AlterscapesPlayground, 2005-2015, d’Otobong Nkanga). L’exposition s’achève par le film de Nicholas Mangan, A World Undone (2012), qui propose une immer- sion au cœur de cristaux de zircon, les plus vieux minéraux connus sur terre. Filmées dans un temps étiré, les poussières de roche se convertissent en poussières d’étoiles, plongeant le visiteur dans l’expé- rience d’un cycle qui le ramène aux origines du monde. Les œuvres de cette artiste écossaise sont souvent le fruit d’une collaboration avec des chercheurs en astronomie ou en géolo- gie. Chacun des 170 fossiles collectés et taillés par un joaillier témoigne d’une étape du développement de la Terre. La circula- rité du « bijou » souligne la dimension d’infini.
“My enthusiasm for the world of stones started to grow few years ago when I discovered that stones represent a specific form of consciousness. As a professional sculptor I was since ever interested in the beauty and strength of stones. But I did not have an intimate relationship with them. Even if I appreciated them as part of nature, as I do appreciate trees or landscapes, they somehow existed besides and outside of me.” Being Stone, Marko Pogacnik